Animateur du groupe d’expert en charge de la révision de la norme NF X35-103, Bernard Sanselme a accepté de faire le point sur les nouveaux éléments apportés par la norme revisitée. L’expert de l’AFE remet, de plus, en perspective les obligations légales des employeurs en termes d’éclairage au travail. Une idée maîtresse règne sur cette norme : remettre les besoins humains au centre de la gestion de l’éclairage sur les lieux de travail. Un bon éclairage au travail ne peut se réaliser sans intégrer les principes d’ergonomie. Présentée mardi dernier lors d’une conférence à l’AFNOR, la norme d’application volontaire réaffirme l’importance de la lumière naturelle et du bon diagnostic. Clé de voûte de cette réforme : adapter l’éclairage à la nécessité de la vision: « voir, bien voir, bien voir longtemps ».
Pourquoi avoir révisé cette norme ?
La norme a d’abord été présentée sous forme de projet en 1980. Il a été validé définitivement dix ans plus tard en norme française, le 20 octobre 1990. En 2003, la norme européenne NF EN 12464 -1 « éclairage des lieux de travail » a amené des éléments en désaccord avec la norme française. Il a donc fallu décider de l’avenir de la X35-103. Avec les experts, nous avons donc décidé de constituer un groupe de révision pour la retravailler, puisque certains points ne sont pas abordés dans la norme européenne.
La norme était très attendue dans le métier. La forte participation lors de l’enquête publique de novembre 2012 l’a démontré. Elle définit les critères d’un bon éclairage sur un poste de travail autour d’un facteur clé : l’ergonomie.
Quels sont les effets d’un éclairage inadapté sur les salariés ?
80 % des informations reçues par nos sens passent par le système visuel. L’œil humain a des capacités d’adaptation très importantes, mais qui ont leur limite dans la durée. C’est pourquoi un éclairage inadapté peut provoquer des fatigues visuelles inacceptables.
Quelles sont les principales évolutions de la norme ?
Une règle du jeu a été établie dès le départ : ne pas être en contradiction avec la norme européenne.
Parmi les évolutions, nous nous sommes accordés sur l’illogisme concernant la limitation à 2 000 cd.m-2 (candela par mètre carré – unité de luminance) dans le champ visuel : les résultats constatés sur le terrain étaient aberrants dans certaines situations. Par exemple, par temps clair, l’application stricto sensu de la norme amenait parfois les responsables à supprimer le contact avec la lumière naturelle. L’éblouissement n’est pas créé par la luminance elle-même mais par la différence avec les surfaces environnantes. Un bon éclairage doit par conséquent avoir un contraste équilibré dans le champ visuel. Nous avons donc supprimé cette limitation mais quantifié des rapports de luminance maximum spécifiques à chaque situation de vision.
De plus, nous avons fixé la limite de 10 000 cd.m-2 comme seuil d’alerte. Au-dessus, il peut y avoir des risques pour la rétine en fonction de l’intensité mais aussi du temps d’exposition et du spectre. Ce niveau d’éclairement représente des cas spécifiques. Pour référence, un tube fluorescent atteint cette limite. Nous recommandons dans ce cas de faire une analyse fine qui tient compte de ces trois éléments. A partir de 10 000 cd.m-2, ce n’est plus un souci d’éclairage mais d’application des normes et décrets sur le ROA (rayonnement optique artificiel).
Deuxième évolution, la norme non révisée augmentait le niveau d’éclairement moyen à partir de 50 ans. Nous nous sommes alignés sur les recommandations des ophtalmologistes : 45 ans. Deux autres critères sont pris en compte : la finesse de perception (travail très contraignant au niveau visuel, comme un travail de contrôle, par exemple) et les situations de risques.
Nous rappelons également l’importance de la lumière naturelle, qui est une priorité. L’éclairage artificiel vient seulement compenser son déficit et son absence.
Pour finir, nous rappelons des principes de base : en aucun cas la luminance des sources associée à un contraste important ne doit être perçue en vision directement ou en reflet sur une surface brillante. Autre point, l’éclairage doit également être adapté en fonction du changement d’activité.
Qu’apporte la norme NF X35-103?
Le point essentiel se situe sur notre exigence d’un rapport de luminance contrôlé dans l’environnement global : zone de travail, zone périphérique, zone d’environnement immédiat. Ces valeurs sont fonction de la finesse de perception du regard, c’est-à-dire du niveau de précision exigé par la tâche effectuée. Plus le travail est précis, plus la contrainte visuelle est importante, plus l’équilibre doit être soigné. Pour une activité moins contraignante, il y a un équilibre à trouver, mais avec plus de tolérance.
Comment évaluer ces exigences ?
Il faut les évaluer à partir de deux facteurs : la finesse de la tâche et le type d’activité exercée.
On peut utiliser la valeur de l’UGR citée dans la norme EN 12664 – 1 pour guider dans l’évaluation de la finesse de perception. Pour exemple, ce qui est considéré comme travail nécessitant une exigence forte peut être repéré dans la norme par une UGR de 16. Les exigences moyennes seront repérées par les valeurs 19 et 22. Les exigences faibles correspondant à une valeur de 25 et 28.
Qui évalue ces exigences ?
C’est le chef d’entreprise qui a la responsabilité de déterminer ou faire déterminer les exigences dues à l’activité. C’est à lui qu’il incombe de faire ou de faire faire.
Les règles de l’éclairage au travail dans le Code du travail
La norme est d’application volontaire. Elle va au-delà du code du travail. Utiliser la lumière naturelle, c’est obtenir une lumière de meilleure qualité, offrant un meilleur confort visuel et avec un coût faible. C’est pourquoi la norme devrait être une réflexion à engager pour les chefs d’entreprise et tout gestionnaire de locaux de travail. Les principes de la norme sont non négligeables, puisqu’ils affectent directement la santé, la qualité du travail et la productivité.
Le code du travail n’impose qu’une vision sur l’extérieur à hauteur d’yeux. Seuls certains cas dérogent à cette règle lors d’une incompatibilité avec l’activité (laboratoires photos …).
Pouvez-vous nous dire quelles sont les bases d’un bon éclairage au travail ?
La norme donne tous les critères pour bien éclairer au travail, mais il est impossible de donner un standard généralisé puisque l’éclairage doit être adapté à chaque situation. Pour résumer, un bon éclairage est adapté en fonction du triptyque locaux/personnes/activités. Ce qu’il est possible de faire, c’est de donner une méthode : collecter les données du poste de travail, du travail en lui-même, des personnes (âge, capacité de vision, etc.), des locaux … Toute la méthodologie est expliquée dans la norme. Un exemple est d’ailleurs détaillé en annexe.
En ce qui concerne la méthode de mesure, nous renvoyons à la méthode générale de la norme européenne. Mais nous complétons par des méthodes simplifiées pour des cas particuliers.
Les systèmes de gestion peuvent-ils s’intégrer dans l’éclairage juste au travail ? Si oui, comment ?
Bien sûr, les systèmes de gestion de l’éclairage sont nécessaires dans le cadre d’une gestion maîtrisée de l’énergie. Détection de présence, détection de mouvement, réglage du niveau d’éclairement … peuvent venir compléter un éclairage adapté. Il faut toutefois éviter certains impairs de façon à ne pas augmenter les contraintes. Par exemple, l’allumage et l’extinction brusques ou intempestifs.
Dans une annexe, nous attirons l’attention sur certaines de ces difficultés qui pourraient être rencontrées pour l’utilisateur dans la mise en place de systèmes de gestion automatique de l’éclairage.
Quelles perspectives d’évolution pour cette norme ?
Certaines valeurs d’éclairement et de luminance font débat, nous le savons bien. Il sera nécessaire à l’avenir de pouvoir déterminer les valeurs seuils physiologiques. A titre personnel, je souhaiterais que soit poursuivi le travail sur les valeurs limites de contraste et de luminance établies dans les textes, pour un éventuel réajustement des valeurs dans la norme européenne et le code du travail.
Quelle place accorde la norme aux nouvelles technologies de mesure ?
Le protocole de mesure énonce les critères indispensables à une mesure juste mais ne bloque pas les nouvelles technologies. Nous avons un standard pour obtenir des mesures représentatives et exploitables. C’est sur les étapes méthodologiques que reposent les critères : tous les éléments qui peuvent avoir des conséquences sur le résultat de la mesure doivent être pris en compte.
Pourquoi le grand public n’a pas encore conscience de l’importance d’un éclairage adapté ?
Le grand public n’a pas conscience des performances visuelles, ni de leurs effets négatifs à long terme avec un mauvais éclairage, elles sont donc reléguées au second plan. Améliorer l’éclairage, c’est améliorer la vision des détails, et cela peut être fait par des solutions très simples et peu coûteuses. Par exemple, un simple bout de ruban adhésif opaque sur la vasque d’un tube fluorescent pour éviter la vision directe du tube peut supprimer l’éblouissement et améliorer instantanément le confort visuel.
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